Plaisir et Fierté

Témoignage

Text de notre intervention le 26 Mai 2023 sur Prun’, émission Tout le plaisir est pour nous

Témoignage

Intro : Amanda Palmer - Map of Tasmania

Voix : fine et haute

Vous venez d’entendre Map of Tasmania par Amanda Palmer, et cette chanson, c’est la raison pour laquelle j’ai encore des poils pubiens.

Comment ca s’est passé cette histoire ?

J’étais plutôt bien lancé dans ma transition. J’avais commencé les hormones et bien avancé sur l’épilation laser du visage. Je faisais aussi de l’épilation sur le reste du corps : aisselles et jambes.

Ayant accès à suffisamment d’argent pour faire ce que je veux en terme d’épilation, je me pose la question des parties génitales. À l’époque je hais les poils, tous. Et donc je me dis que je vais aussi faire les fesses et… le pubis

Seulement voilà, je tombe sur cette chanson, un peu par hazard. C’est une artiste que j’adore, musicalement ça me parle. Mais le clip et le propos, j’accroche pas tout de suite.

En effet, le clip, y’a plein de plan sur l’entrejambe de personnes mais là où on pourrait voir leur pubis et leur sexe, il y a des décorations de toutes sortes : des fleurs, des LEGO, ce qui ressemble à de la laine de mouton, des cheveux, etc.

Allez voir, en vrai c’est merveilleux.

À force d’écouter et de chanter, je m’imprègne des paroles et du messages, et je finis par comprendre que ce que nous invite à faire Amanda Palmer dans cette chanson, c’est à être fières de nos corps post-pubères, et qu’on a pas à cacher ce que nous sommes.

Alors j’ai gardé mes poils pubiens et désormais moi aussi, je suis fière de ma Map of Tasmania.

Ça, ce n’est qu’un chapitre de la construction de la fierté de mon corps. En tant que personne trans, j’ai appris, via la communauté, le soutien des ami-e-s et des adelphes, à tirer fierté de mon existence et de mon corps, tous deux transgressifs.

Évidemment, le caractère transgressif de mon corps est limité : je suis mince voir maigre, blanche, belle.

C’est plus facile d’être fière quand on t’es régulièrement validée par la norme. Il s’agit pas de nier mes difficultés, mais de reconnaître qu’on est pas toustes égales face à ca.

Mon corps, je l’ai changé de plein de façon :

Via les hormones qui ont changé la répartition des graisses, m’ont données mes tous petits seins, la peau douce, mes cheveux longs

Je l’ai aussi décorée en le faisant peindre avec des tatouages, graver avec des scarifications, remodeler via la split tongue ou encore la vaginoplastie.

Ça, c’était un des plus beaux moments de ma vie. Et aujourd’hui, qu’est-ce que j’en suis fière de ma vulve et de mon vagin.

C’est le plaisir d’être au monde en tant que moi, enfin.

Tout ça se fait progressivement, petit a petit, alors que mon corps redevient mien, que je me découvre belle en jupe, maquillée, avec des talons,… Je me trouve aussi de plus en plus belle, nue.

Et j’ai envie de le montrer, ce corps acquis et construit, qu’il soit vu, regardé, touché.

Recevoir et donner du plaisir.

Alors je baise. Je fais du sexe autant que je peux.

Quand j’ai commencé ma transition, je voulais pas retourner à un mode de relation monogame. J’voulais testé ma capacité à séduire. Je ne voulais plus me retrouver dans une situation où j’ai envie de séduire quelqu’un, mais j’ai “pas le droit” parce que les termes de mes relations amoureuses me l’interdisent.

Dans ce contexte de relation libre, j’ai pu essayer plein de choses.

J’ai fait du BDSM, de la sodomie, des fellations, des cunnis. À des mecs, à des meufs, à des enbys. Du sexe à 2, à 3, à 4. J’ai testé un maximum de trucs sans jamais me sentir honteuse. Et j’y ai trouvé un plaisir immense.

Encore aujourd’hui, je suis une salope et fière de l’être.

Et j’voulais aussi construire une fierté de faire du bon sexe, dans de bonnes conditions : respecter le consentement, m’adapter à chacun/chacune, découvrir le corps de l’autre et prendre du plaisir à satisfaire mes partenaires.

Se donner pleinement, nu, corps et cœur.

À force, j’ai développé tout une esthétique de la salope. J’voulais être disponible, belle à voir. Que, telle une oeuvre d’art exposée, poser les yeux sur moi soit plaisant et satisfaisant. Ce que j’ai fini par appeler “Être une femme publique”

Mais une femme, vraiment ?

Voix : épaisse et grave

Non. Je suis pas resté une femme. Je me suis énormément épanouie dans ce genre, accédant enfin a des apparats et des comportements qui m’avait été interdits toute ma vie depuis mon adolescence.

Mais au fur et à mesure que je me réapproprie mon image de moi, je m’autorise plusse de choses. Je n’ai pas besoin d’être en jupe et talon pour être une femme. Et je n’ai pas besoin d’être une femme pour me maquiller.

Ma voix ? C’est la mienne, un vecteur important d’expression. J’aime jouer avec : la modeller, la changer, la transformer. C’est plaisant de parler et de sentir ma gorge vibrer.

J’aime la force et les muscles et j’ai envie des les développer. Je découvre que la masculinité, quand elle ne t’est pas imposée, ca peut être merveilleux et très agréable.

Alors, femme, homme, non-binaire ? Oui. Non. Peut-être. Ça dépend. De mon humeur, de mes envies et de celles de Marcus.

Marcus, c’est un de nos alters. Parce que oui, non contente d’être trans, bi, une salope… On est aussi fol.

Fol parce que on est plusieurs dans la tête, parce qu’on a des troubles de l’attention et des troubles de l’humeur.

Mais ça va, merci. Croyez moi, on vit très bien en étant taré. J’ai pas besoin qu’on me soigne, j’ai pas besoin de médocs. J’ai surtout besoin qu’on me foute la paix et me laisse vivre sans stigmate et sans violence.

J’ai pas honte de qui on est. Fière d’être bizarre, dans le genre et dans la santé mentale.

Parce qu’après tout, la fierté c’est l’antagoniste de la honte. Cette honte qui voudrait nous laissez dans le placard et y remettre celleux qui en sont sorti·e·s.

On le voit ces derniers temps, les droitards et les fascistes essaient toujours plusse de nous faire disparaître. Aux États-Unis, le génocide des personnes trans est en marche. Ici en France, le Rassemblement National tente de copier les stratégies politiques d’outre-Atlantique pendant que d’autres faschos tentent d’empêcher des drag queens de faire des spectacles ou viennent tagger le centre LGBTI+ de Nantes.

Vous ne nous ferez pas disparaître. Les nazis nous on pas eu et vous nous aurez pas non plu.

On continuera d’être fière. Fière d’être là, qui on est, de se battre pour que les générations suivantes est des vies plus heureuses et plus faciles. Et fière de vous emmerdez par notre simple existence.

Alors, oui

Oui a l’identity politics, mais intersectionnelle

Oui fière, mais aussi vénère et révolutionnaire

Parce que la premiere Pride était une émeute

On est ensemble