Fimbulvetrhttps://blog.witch.academy/~/Fimbulvetr/atom.xml2020-12-07T12:27:18.038227+00:00<![CDATA[Fimbulvetr, pt 3]]>https://blog.witch.academy/~/Fimbulvetr/fimbulvetr-pt-3/2020-12-07T12:27:18.038227+00:00Morganehttps://blog.witch.academy/@/morgane/2020-12-07T12:27:18.038227+00:00<![CDATA[<p>Troisième partie : Rencontre</p>
<p>Les semaines qui suivirent furent bien ancrées dans une routine déjà installée. Anaïs ne fit que de rares promenades pour profiter d’un peu d’air frais. Un peu trop frais. A son soulagement, la rivière avait repris son aspect normal. Aussi normal que pouvait l’être une rivière nouvellement gelée en permanence. Mais la glace avait bien les reflets habituels du soleil et de la végétation. Le bleu profond qu’Anaïs avait cru apercevoir était bientôt oublié dans ses souvenirs. Elle fut aussi soulagée de voir de nouveau les canards, adorables volatils qui quémandaient du pain sur les bords de la rivière, leurs plumes gonflées pour résister au froid.</p>
<p>Car si une chose était bien nouvelle dans la routine, c’était le froid glacial qui s’était installé. Après de petites recherches, elle apprit que le froid s’était imposé non pas seulement sur la ville, mais sur le pays entier. Des températures moyennes qui descendaient au fur et à mesure, et qui dans certains endroits atteignaient des records comme étant l’hiver le plus froid depuis des décennies, voire jamais enregistré. En ligne, les commentaires étaient séparés en deux parties : d’un côté, les personnes qui s’inquiétaient d’un refroidissement global lié à une possible fonte des glaces. De l’autre, les personnes qui râlaient sur le verglas, ou se délectaient de la neige qui offrait sa présence dans quelques autres endroits. Anaïs ne suivait pas d’enfants sur les réseaux sociaux, mais elle imaginait sans peine la joie qu’ils devaient vivre avec les jours d’école annulés.</p>
<p>Dans sa vie personnelle, rien de très nouveau, si ce n’est qu’elle prenait de multiples douches chaudes chaque jour, jusqu’à trois ou quatre si elle se sentait mal. Le chauffage d’appoint fonctionnait également bien plus souvent. A son plus grand soulagement, l’électricité et l’eau chaude étaient déjà inclus dans la facture mensuelle. C’était une inquiétude de moins. Des inquiétudes elle en avait suffisamment. Le dernier rendez-vous avec son médecin ne s’était pas très bien passé. Quelques commentaires déplacés de sa part l’avaient mise en colère vive et elle redoutait la confrontation à la prochaine séance. Elle avait aussi de nombreux dossiers à remplir pour bénéficier des aides sociales. Assez de stress pour un mois qui n’avait pas besoin de ça.</p>
<p>Noël approchait. Cette période de réjouissance pour petits et grands n’en était pas une pour Anaïs. La gestion des liens sociaux dans la famille était une compétence qu’elle n’avait pas, et elle redoutait les messages lui demandant ce qu’elle avait prévu pour la fin d’année. Comme à chaque fois, elle inventerait une excuse et resterait sûrement seule chez elle, buvant une soupe chaude et échangeant des messages avec ses ami-es en ligne. C’était toujours mieux que de revoir certains membres de sa famille.</p>
<p>Pour autant, cette année, elle espérait pouvoir sociabiliser un peu. Elle s’était inscrite sur des sites de rencontres dans l’espoir non pas forcément de rencontrer une âme sœur comme dans un conte de fée, mais plus pour partager quelques verres avec des personnes respectueuses. Et si elle avait de la chance, se retrouver à boire une boisson chaude dans le confort d’un lieu de vie plutôt que se retrouver dans un bar aléatoire. Le bruit, les mouvements, la foule, tant d’éléments qui la faisaient rapidement paniquer. Le calme d’un appartement bien chauffé, c’était à ses yeux bien plus accueillant.</p>
<p>Outre les rencontres par le biais de sites et d’applications, elle restait en contact avec quelques connaissances. Tant de personnes avec qui elle aurait apprécié de partager intimité et moments de tendresse, si elles n’habitaient pas si loin. Des amies parfois de passage, mais jamais pour la fin d’année. La majorité des gens qu’elle connaissait avaient encore des obligations pour les fêtes. Elle s’estimait heureuse de pouvoir y échapper, même si la solitude lui pesait.</p>
<p>Au moins, elle n’était pas vraiment seule. Lily lui tenait compagnie presque en permanence, et était toujours là quand nécessité se faisait. Le reste du temps, elle dormait. De la même manière, c’était parfois Anaïs qui dormait et Lily qui prenait activement le relais. L’état de sommeil était toujours léger, qui que soit celle endormie. Il leur était facilement possible de se réveiller l’une l’autre. Pour parler d’une découverte, râler, ou partager un moment d’intimité. Elles respectaient cependant des temps de repos. Le sommeil c’est important.</p>
<p>De temps à autres, quand les ombres se faisaient trop inquiétantes, ou quand les passants dans la rue se faisaient trop gênants, Lily prenait le relais. Avec une force sans égale et une détermination implacable. Heureusement pour Anaïs, ces moments de panique se faisaient plus rares depuis quelques mois. Les crises s’étaient calmées et lui laissaient un peu de répit. Elle imaginait que cela ne durerait sûrement pas. Mais elle s’accrochait à l’espoir que tout irait de mieux en mieux.</p>
<p>Pour avancer, toujours saisir chaque espoir qui se présente. <br>
La moindre lueur dans les ténèbres la guidait. <br>
Chaque main tendue l’aidait à se relever.</p>
<p>Elle avait réussi à faire quelques courses. Des courses qui lui apportaient plus de diversité que des pâtes et pommes de terre. Quoiqu’elle aimait vraiment les pommes de terre. Il y avait des milliers de manière de les cuisiner, et tant qu’elle ne les avait pas toutes faites, elles conservaient un attrait certain à ses yeux. Quelques légumes frais lui faisaient du bien. Et des boissons végétales pour le petit déjeuner. Surtout pour atténuer l’amertume du café. Et pouvoir pratiquer son astuce secrète : refroidir la boisson très légèrement, suffisamment pour la boire encore très chaude juste après préparation. C’était son astuce secrète à elle. Peut-être qu’elle n’était pas la première à l’inventer. Mais elle en était fière.</p>
<p>Une des épreuves de la fin d’année était le rendez-vous du 23 décembre. La veille des fêtes. Et cela la paniquait légèrement. Pas qu’elle ait quoique ce soit de prévu. Mais les jours de fêtes lui étaient particulièrement difficiles à vivre. Alors un rendez-vous la veille. Et avec son médecin en plus. Il voulait s’assurer que tout allait bien pour la fin d’année. Surtout après sa dernière colère. Et elle n’avait pas réussir à dire non. Dans son esprit, elle cultivait l’idée qu’elle irait mieux si elle n’avait pas à le voir aussi souvent. Mais son traitement était relativement récent et cela la motivait à garder un suivi rapproché.</p>
<p>Le mardi 22 au matin, elle était prête à s’aventurer en ville. Les courses étaient faites, mais la solitude lui pesait. Les rencontres sur les applications s’étaient révélées mitigées. Elle avait échangé quelques mots avec des inconnu-es qui lui paraissaient agréable à côtoyer. Mais personne n’était disposé à la voir avant l’année qui suit. Cela lui faisait ça de moins à organiser. Ça compensait en petite partie les regrets qu’elle avait à passer les fêtes seules. Encore. Une sortie lui ferait sûrement du bien.</p>
<p>Elle comptait marcher vers le centre-ville, esquiver le marché de Noël, et se diriger vers la librairie. Elle adorait les livres. Ils lui apportaient un carburant constant pour son imagination. Certes, son imagination n’avait sûrement pas besoin de ça. Mais elle aimait lire, depuis très jeune. C’était plus difficile à présent, mais elle gardait le plaisir de feuilleter quelques pages avant de s’endormir au chaud dans ses couvertures. Et simplement errer dans les rayons de la librairie lui faisait beaucoup de bien au moral. C’était donc une sortie qu’elle s’offrait, et avec ça elle espérait revenir avec un petit quelque chose qui lui remonterait le moral.</p>
<p>Depuis ses dernières escapades, elle s’habillait chaudement. Le grand manteau rouge était étonnamment protecteur contre le froid. Et Lily lui avait depuis longtemps donné son accord pour le porter sans lui demander la permission. Deux paires de collants l’une sur l’autre lui permettaient d’affronter le vent glacial. Elle ne se résolvait toujours pas à mettre de pantalons. Trop de mauvais souvenirs, et elle détestait l’image que ça lui donnait. Une grosse robe chaude ferait l’affaire. Une écharpe qui lui remontait jusqu’aux oreilles, et de nouveaux gants que lui avait envoyé une amie. Elle était prête à affronter le froid.</p>
<p>Porte ouverte. Escaliers descendus. Le dehors. Le froid. Mais un froid soutenable grâce à son armure. Anaïs prend le chemin du centre-ville, longeant la rivière et bifurquant au niveau du pont. La montée est traitre à cause du verglas, mais rien d’insurmontable. La ville est animée, très animée. Les derniers achats de Noël. Les familles qui emmènent leurs enfants au marché. Les lumières et guirlandes allumées. Les décorations aux fenêtres. Une ambiance qu’elle aime bien. Pas autant qu’Halloween, mais ça remplit l’objectif d’habiller la pierre grise de couleurs plus diverses.</p>
<p>Les contours de la place commencent à se dessiner dans une brume légère. D’où elle en est, Anaïs reconnait le marché de Noël, surtout par les cris, rires et pleurs des enfants. Au fur et à mesure qu’elle s’approche, les nombreux stands se dessinent plus clairement. Le marché de Noël avait ici un grand avantage par rapport à ceux qu’elle avait connus par le passé. Chaque stand était différent des autres, au moins en partie. Certains étaient tout en bois et arboraient de nombreuses décorations classiques de l’ambiance de Noël. Sucres d’orges, petits sapins, étoiles qui clignotent, petits bonhommes de neige. Sans oublier les fameuses décorations de père noël, présentes en de nombreux exemplaires. Mais d’autres stands avaient une touche plus personnelle. Un stand qui vendait du pain d’épice se démarquait non pas par des décorations, mais par son petit habitacle en bois, façonné entièrement comme une part de gâteau. A ses côtés, le stand de vin chaud fumait joyeusement et Anaïs se sentait attirée par la boisson réconfortante et épicée. Il était décoré par une habile peinture comportant de nombreux personnages qui se souriaient mutuellement, un verre à la main. Un peu plus loin, une patinoire de fortune occupait autant les enfants que les parents. Les premiers s’y amusaient énormément, mais les adultes semblaient beaucoup plus occupés à essayer de limiter les chutes et collisions.</p>
<p>La place exerçait un attrait fort de par les odeurs qui s’en dégageaient. Les friandises et pâtisseries, les verres de vin et de chocolat chaud. Seule une partie de la place dégageait une odeur de gras cuit qui donnait des haut-le-cœur à Anaïs. Elle aurait désiré pouvoir se poser sur un banc avec des personnes à qui parler. Rire, s’amuser, se câliner et se réconforter dans le froid de l’hiver. Cependant, elle avait décidé de ne pas trop s’approcher. La foule la faisait facilement paniquer, et c’était prendre soin d’elle que d’éviter trop de contacts avec les gens inconnus. En plus de ça, après réflexion, elle ne pouvait vraiment pas se permettre de prendre à manger ou à boire avant de rentrer dans la librairie.</p>
<p>La jeune femme esquive donc précautionneusement la place et la foule, emprunte une rue piétonne, et se retrouve bientôt devant un large complexe commercial. A l’intérieur, de nombreuses boutiques de livres, d’art, et de jeux. La librairie se trouve plus loin dans le complexe, qui ressemble surtout à un grand couloir couvert bordé de différents magasins. En passant devant les magasins de jeux, Anaïs esquive un sourire. Elle aime bien s’y aventurer de temps à autres quand elle est de passage. Regarder quels sont les nouveaux jeux qui occupent les personnes de tous âges. Mais il faut à chaque fois résister à l’idée d’acheter de nombreuses figurines à l’effigie d’animaux de tous milieux. Anaïs aime énormément les animaux, et avoir de petites figurines les représentant lui procure beaucoup de plaisir. Pour autant, elle en a déjà suffisamment disposées sur son bureau pour ne pas en acheter de nouvelles. Elle en a aussi sur une petite table près du lit. Majoritairement des vaches de toutes les robes imaginables. Enfin presque.</p>
<p>Elle arrive devant la librairie. Voir la façade lui procure un certain soulagement. Le magasin s’étend sur deux étages. Au rez-de-chaussée on trouve surtout des affaires de papeterie. Et c’est à l’étage qu’on trouve les nombreux livres. Avec de multiples allées pour séparer les différents genres littéraires existants. Anaïs est positivement enthousiasmée de cette sortie. Le magasin est calme. Toujours. Les gens ne lui adressent jamais la parole et elle peut prendre le temps de regarder tout ce qui l’entoure. Les crayons de couleurs ! Autant de petits arcs-en-ciel mis dans des boites et qui n’attendent qu’une personne pour les libérer sur autant de feuilles et de dessins ! Et les stylo ! Tout autant de plumes modernes pour écrire des histoires et les partager !</p>
<p>Son esprit vagabonde au gré de son imagination, visualisant autant d’aventures extraordinaires écrites et dessinées qu’il en est possible. Puis, son attention se tourne vers l’escalier. Juste devant, se trouvent de nombreuses affiches à vendre. Des images tirées des œuvres de fictions plus ou moins connues. Elle les feuillette un peu, faisant tourner les grandes pages qui la dépassent. Une en particulier attire son attention. Un énorme dragon dessiné en seulement quelques traits dans un style manga, qui boit dans une tasse ce qui semble être un chocolat chaud ? Et il y a plein de petits personnages autour qui semblent heureux de la scène. L’affiche est dans des tons pastel et respire la joie et l’apaisement. Anaïs n’était pas venue pour ça, mais son esprit est maintenant décidé : elle ne repartirait pas sans l’affiche. Le numéro pour la retrouver dans les bacs ? 12. Tout au début. Il en reste 2 ! Elle hésite à prendre les deux et se ravise. Si une autre personne voulait l’affiche pour le sentiment joyeux qu’elle partage, elle comptait bien la laisser à cette personne. Un peu comme une autre Anaïs ! Ce serait très triste de la priver d’une telle affiche. Elle aimait bien imaginer une autre personne qui y serait aussi sensible.</p>
<p>L’affiche dans une main, elle monte à l’étage. Elle est venue voir les livres. Dès qu’elle arrive en haut, elle est accueillie par la vision maintenant familière des nombreux étalages de romans. Un peu plus loin on voit les rayons des bandes dessinées, qui regorgent d’images hautes en couleur. Les romans sont plus ternes, la moitié a une couverture unie et un titre souvent doré. Cela doit être la fantasy. L’autre moitié a une couverture avec un dessin. Elle aime énormément regarder l’aspect extérieur des livres. Ils ont été choisis pour une raison ! Quelqu’un avait du se dire que ça reflétait au moins en partie l’intérieur de l’œuvre. Elle aimait à se demander ce qui motivait tel ou tel choix esthétique.</p>
<p>En errant parmi les étalages, elle reconnait de nombreuses saga dont elle a entendu l’existence mentionnée. On lui en avait recommandé tellement ! Aussi, elle retrouve des livres de son enfance. Certains ont perdu beaucoup de leur charme. Quelques histoires, avec du recul, véhiculent des messages toxiques et irrespectueux, parfois même violents. Elle aime les livres aux messages comme aux intentions qui célèbrent la diversité et l’imaginaire. D’autres volumes par contre, qu’elle a lu étant plus jeune, gardent leur charme et gagnent même dans son estime pour être aussi positifs et dédiés aux enfants ! C’était ce qui lui avait permis de tenir. Les livres avaient longtemps été ses seuls amis. Et de très bons amis, qui lui avaient fait découvrir des mondes entiers peuplés de créatures colorées et d’intrigues haletantes ! Aujourd’hui encore elle abordait les ouvrages comme autant de compagnons pour la vie. Elle en prenait soin, était heureuse de les partager et de les faire connaître.</p>
<p>Le temps passe. Il ne s’écoule plus en minutes ni en heures, mais en découvertes et réflexions. Après avoir fait tout le tour de la librairie, Anaïs recommence, pour voir ce qu’elle a pu manquer. Les vendeurs et vendeuses la laissent faire, ils ont l’habitude de la voir maintenant. Anaïs va demander de l’aide quand elle ne trouve pas ce qu’elle cherche. Cette fois-ci cependant, elle ne cherche rien, mais se laisse aller aux découvertes. Errer dans les livres lui avait manqué. La liste de ce qu’elle veut lire est bien plus grande que ce qu’elle peut s’offrir, mais au final elle arrive à être plus raisonnable. Trois livres. L’affiche. Et quelques crayons. Avec quelques stickers. Et du papier pour des origamis. Voilà. Pas les petites peluches sur les présentoirs. Pas les peintures. Pas de nouveau carnet pour écrire. Elle en a déjà trop. C’est bien comme ça.</p>
<p>Elle règle. Tout se passe bien. Un sac pour tout mettre. L’affiche dépasse un peu. Cela la dérange légèrement. Peu importe. Elle aura bientôt un adorable dragon sur ses murs. Parfait. Et les livres ! Elle a pu en retrouver un qu’elle désire lire depuis longtemps. Une histoire de renards. Cela lui fera du bien. Les deux autres romans sont nouveaux, mais elle a entendu dire du bien de ces derniers par le biais des réseaux sociaux. Elle a confiance qu’ils la feront sourire, beaucoup. Et sur ces pensées elle reprends le chemin vers son lieu de calme, de réconfort, et de sécurité. Fatiguée, mais satisfaite.</p>
<p>La sortie du complexe commercial ramène avec lui quelque chose qu’Anaïs avait était très rapide à oublier une fois dans la librairie. Le froid. Le chauffage lui manque. Ça pourrait être pire. Elle est chaudement habillée. Le moral ardent à l’idée de pouvoir rentrer chez elle avec ses emplettes. En plus, étonnamment, la sortie s’est extrêmement bien passée jusque là ! Mieux qu’elle ne s’y était attendue. Elle se sent encore en forme, et galvanisée par sa performance.</p>
<p>“Tu es sûre que tu es en état ?<br>
-Je me sens bien, Lily. Confiante. Forte.<br>
-Je n’en doute pas, ta confiance me réchauffe comme un brasier.<br>
-J’ai envie d’aller au marché.<br>
-N’en fais pas trop. Je veille, si tu as besoin de moi.”</p>
<p>Lily était toujours pleine de précautions. Souvent à raisons. Mais pour une fois qu’il faisait bon de sortir ! C’est l’occasion d’en profiter. Juste une tasse de chocolat chaud. Et peut-être un petit bout de gâteau pour aller avec. Du pain d’épice. Ça sera parfait. En route.<br>
Le chemin jusqu’au marché se passe bien. Toujours extrêmement animé, adultes et enfants bondent la place. Anaïs se dirige vers le petit abri en bois, qui protège du froid une personne à la barbe grisonnante, préparant de multiplies boissons chaudes pour un groupe patient d’adultes. Elle parvient à comprendre des bribes de conversations, à propos de projets pour la fin d’année. Elle essaye d’occuper autrement ses pensées, écouter des conversations où elle n’est pas la bienvenue ne la met pas particulièrement à l’aise. La file met un peu de temps à se dissiper. Les cris d’enfants lui arrivent aux oreilles et si elle ne leur en veut pas, les voix stridentes la mettent mal à l’aise. De l’anxiété bourgeonne en elle. Anaïs essaye de s’en détourner. Mais la multitude de bruits ajoute à la charge qu’elle doit gérer.</p>
<p>Son tour vient. Elle se sent à présent mal à l’aise. Mais partir sans commander une boisson chaude réconfortante lui serait très dur pour le moral. Elle commande un chocolat chaud. Et en comptant sa monnaie, se rend compte qu’elle n’a pas assez pour une part de pain d’épice. Son moral chute à cette idée, et la déception, couplée à la fatigue d’être au milieu de tant de gens, commence à la faire paniquer. Alors qu’elle se prépare à renoncer tristement à sa part de gâteau, une voix se fait entendre à côté d’elle.</p>
<p>“Est-ce que je peux aider ?”</p>
<p>La voix est douce. Chaleureuse. Réconfortante.<br>
C’est inhabituel. Mais des années de méfiance ont appris à Anaïs à ne pas se réjouir trop vite.<br>
Elle répond de manière rapide.<br></p>
<p>“Non, merci, ça ira, tout va bien.”</p>
<p>La réponse ne se fait pas attendre.</p>
<p>“J’aimerais pouvoir vous offrir la part de pain d’épice. Si vous m’y autorisez. Je n’attend rien en retour. C’est mon geste généreux de la journée.”</p>
<p>L’attention d’Anaïs se porte à présent sur la personne et sa proposition. Elle a appris à être méfiante, mais l’offre est respectueuse et alléchante. Une part de gâteau, exceptionnellement, pour compléter sa journée ! Au fond d’elle, Lily parait d’un calme limpide et inhabituel. Cela finit de la convaincre.</p>
<p>Anaïs accepte donc et bientôt se retrouve en possession d’un chocolat chaud appétant, malheureusement dans un verre en plastique qui peine à retenir de lui brûler les doigts. Et avec ça, une part de pain d’épice encore tiède, enroulée dans une petite serviette en papier aux motifs de Noël. Elle passe maladroitement le sac d’emplettes sur son épaule, faisant en sorte de bien caler l’affiche pour qu’elle ne tombe pas. C’est trop important. Elle se tourne enfin vers son bienfaiteur et l’observe un peu plus attentivement.</p>
<p>Une apparence qui se fait féminine, un visage rond et chaleureux, aux joues maculées de tâches de rousseurs. Grande, plus qu’Anaïs. C’est rare. Des cheveux cuivrés et brillants, aux reflets dorés, noués en une longue tresse qui descend jusqu’au bas du dos. Une tenue qui consiste en un long manteau fermé jusqu’au col et d’un pantalon qui se termine dans de hautes bottes noires. Le tout est d’un bleu de nuit, recouvert de motifs blancs et dorés semblables à des serpents ondulant au moindre mouvement. Ce qui dénote le plus cependant, c’est un regard profond aux yeux azur, accueillant et intimidant dans le même temps.</p>
<p>La nouvelle présence est chaleureuse, au point de faire oublier la peur qui s’instaurait avec l’ambiance bruyante et mouvementée. Comme si les bruits et mouvements extérieurs étaient à présent calfeutrés, glissant sans conséquence sur la conscience d’Anaïs avant de disparaitre sans faire de remous. Inconsciemment, son attention se dirige entièrement sur l’inconnu-e. Enfin presque entièrement. Elle reste extrêmement concentrée sur le verre de chocolat chaud dans la main gauche, et la part de gâteau dans sa main droite. Le monde pouvait s’effacer, mais pas son envie de profiter de ces quelques plaisirs doux et sucrés. Finalement, elle se reprend et exprime sa gratitude.</p>
<p>“Je… euh.. merci. Merci, oui, beaucoup.<br>
-Heureuse d’avoir pu aider. Ça avait l’air important.”</p>
<p>Anaïs essaye de reprendre le cours de ses pensées. Sans succès. L’inconnue aux yeux bleus perçants continue de la fixer. Cela la mettrait mal à l’aise si elle était encore capable de formuler des pensées cohérentes. Pour l’instant, se poser, pour boire le gâteau et manger le chocolat chaud. Quelque chose comme ça. Elle se rend finalement compte que l’inconnue à beau la fixer en souriant, elle-même n’a pas détourné le regard une seule fois. Ni cillé, très possiblement. Au final c’est son interlocutrice qui reprend la parole, la voix remplie d’assurance, presque impérieuse.</p>
<p>“Le froid a l’air de vous déranger. Le bruit aussi. Je connais un petit bar près d’ici où l’on pourrait se poser pour discuter et faire connaissance, si vous le désirez, Anaïs.”</p>
<p>Confuse, Anaïs n’arrive pas à formuler de réponse claire. Elle hoche la tête. Elles commencent à marcher. Lily est d’un calme exceptionnel. Une situation comme ça n’arrive jamais. Comment, pourquoi ? Soudain, la torpeur se brise partiellement et la jeune femme se reprend. Deux choses. Qui est-elle ? Qui est cette inconnue capable de la charmer en quelques sourires et un regard ? Et aussi… un bar ? Des souvenirs embrumés lui reviennent. De mauvais souvenirs.</p>
<p>L’inconnue se retourne et lui sourit. Des yeux plus profonds que le plus abyssal des océans, sur un visage atypique, constellé et souriant. Capable soit de lire dans les pensées soit de décrypter la peur fugace qui transparait sur le visage d’Anaïs, elle s’exprime d’elle-même. D’une voix posée qui apaise immédiatement Anaïs, avant même que cette dernière ne comprenne les mots.</p>
<p>“Le bar est accueillant, acceptant, calme et sans danger.<br>
Vous y serez à votre aise, et il y fera meilleur qu’ici.<br>
Quand à mon nom, on m’appelle souvent Frigg.”</p>
<p>Sur ces dernières paroles, Anaïs se retrouve une nouvelle fois plongée dans une douce chaleur, le poids du sac de livres sur l’épaule, l’odeur du chocolat et du gâteau seuls vestiges du monde physique. Les bruits et même le froid semblent disparaître. Elles reprennent le chemin, reviennent près de la rue piétonne, puis bifurquent. Le reste du chemin, Anaïs ne le mémorise aucunement, trop captivée par l’inconnue qui la guide.</p>
]]><![CDATA[Fimbulvetr, pt 2]]>https://blog.witch.academy/~/Fimbulvetr/fimbulvetr-pt-2/2020-12-03T22:36:29.407794+00:00Morganehttps://blog.witch.academy/@/morgane/2020-12-03T22:36:29.407794+00:00<![CDATA[<p>Deuxième partie : Reflets</p>
<p>Le sentier est désert et s’enfonce dans un petit bois qui longe la rivière. Sans être une véritable forêt, on peut malgré tout y marcher pendant une bonne heure avant de faire demi-tour. Ou de déboucher plus à l’extérieur de la ville, où s’étendent quelques collines et champs cultivés. La ville est de taille moyenne, c’est ce que s’est toujours dite Anaïs. Sans vraiment savoir ce qu’une taille moyenne implique pour une ville, on est cependant loin à la fois des gigantesques capitales et des petits villages où paissent plus de vaches qu’il n’y a d’âmes humaines qui vivent. Donc une ville de taille moyenne, bâtie sur une colline. La périphérie donnant un air de campagne, mais si l’on va à quelques dizaines de minutes de la ville, on retombe sur des ensembles d’habitations assez denses. La ville canalise le travail mais ne permet pas de s’y installer facilement pour effectuer le-dit travail. Et beaucoup préfèrent le calme de la campagne et l’espace qui y est offert.</p>
<p>Anaïs ne pouvait cependant pas s’offrir plus qu’un petit appartement à l’extérieur de la ville. Et après réflexion, elle aimait bien la proximité des commerces. Pourquoi donc vouloir plus d’espace quand elle se sentait tant à l’aise dans un espace confiné ? Certes il y avait les animaux à la campagne. C’était un bon point qui aurait pu la faire changer d’avis. Mais sortir est déjà un acte courageux en soi. La distance à la ville aurait été trop longue à couvrir. Et puis elle avait la rivière. Et le sentier sur lequel elle marchait. Elle le fréquentais peu, mais savoir qu’il était là, et qu’il était souvent désert, c’était apaisant. Son petit chemin de promenade, pour quand elle se sentait de se promener. Ou quand, comme dans le cas présent, Lily l’y aidait.</p>
<p>Anaïs aimait beaucoup prendre le temps d’observer tout ce qui l’entourait. Du pont de pierre à la rivière qui suit son cours. Des berges parsemées de plantes semi-aquatiques, aux racines des arbres qui hébergent quelques ragondins. Parfois quelques canards qui viennent chercher à manger auprès des personnes qui passent. Anaïs ne leur ramenait jamais de pain, elle avait lu que c’était mauvais pour eux. Pour autant, quand des gens leurs en donnent, elle s’attarde souvent pour voir tous les oiseaux alertés par le repas qui leur est offert. A portée suffisante cependant pour éviter toute interactions avec d’autres êtres humains. Les oiseaux oui, les gens non.</p>
<p>Le petit chemin qu’elle empruntait à présent, elle le connaissait. Pas par cœur comme le trajet pour aller au centre de la ville et à ses rendez-vous, mais suffisamment pour s’y sentir à l’aise. Elle aurait aimé pouvoir se perdre des heures durant sur des petits sentiers, mais le fait que la promenade ne pouvait pas trop durer était aussi une bonne chose. Pas de risque de marcher pendant plusieurs heures pour se rendre compte à la fin qu’elle n’a pas l’énergie pour le retour.</p>
<p>Les plantes et animaux qu’elle pouvait observer variaient selon les saisons. Au printemps, des fleurs de toutes les couleurs semblaient éclore de manière aléatoire aux alentours de la rivière et du sentier. Beaucoup dans des teintes jaunes, mais d’autres roses, bleues, blanches, et parfois même oranges et rouges. Ça et les odeurs du pollen dans l’air. Parfois trop de pollen cependant, elle n’y était pas allergique mais quand l’air est trop chargé c’est désagréable.</p>
<p>En été, les buissons épineux se faisaient plus présents, au risque de déchirer robes et collants en s’aventurant trop dans les fourrés. Cela lui était arrivé une fois, et elle en était toujours amère. Ses vêtements lui étaient importants, chacun d’eux étaient la preuve de sa force et de sa détermination à affronter l’espace public quelques soient les regards. Seuls quelques vieux T-shirt trop larges lui importaient moins, mais même pour ceux-ci elle ressentait de l’affection. Ils étaient pratiques les jours où elle n’avait pas envie de s’embêter à se préparer.</p>
<p>En automne, beaucoup des arbres du petit bois perdaient leurs feuilles, et le plus marquant restait l’odeur forte de la matière organique en décomposition, de l’humidité qui rendait l’air lourd, d’autant plus juste aux abords de la rivière. Le sol était aussi souvent boueux et glissant, ce qui était désagréable et rebutait suffisamment Anaïs pour éviter de trop s’y promener.</p>
<p>L’hiver, il y avait souvent présence d’une fine gelée sur les quelques fleurs et feuilles qui subsistent. Les plantes qui en souffraient le moins étaient les plus broussailleuses. On entendait aussi toujours les oiseaux en quête de nourriture, sûrement à la recherche des même baies qu’Anaïs se retenait de manger de peur qu’elles soient toxiques. Elle n’osait manger que les mûres qu’elle croisait sur le chemin. A s’en remplir le ventre quand possible. Les mûres c’est le self-service végétarien de la nature, selon ses propres dires. Parfois ramasser des noisettes et noix quand il y en avait. Et plus rarement des figues, mais ça ce n’était pas dans la forêt. Quoique pour celles-ci, elle faisait toujours un détour. Au cas où.</p>
<p>Il y avait quelque chose d’étrange cette fois-ci.</p>
<p>“Lily, regarde !<br>
-Les fleurs ?<br>
-Non, enfin oui, mais la tige !<br>
-Oh ! Oui ! C’est perturbant. Beau. Surprenant.”</p>
<p>La plante avait attiré l’attention d’Anaïs par ses reflets irisés au soleil. Aucune plante n’avait ce genre de reflets. En s’approchant, on remarquait que toute la tige était prise dans un fin étau de glace. La plante entière était entourée de cette fine pellicule glacée. Au même moment, quelques rayons de soleil percent à travers le couvert de verdure et illuminent une plus grande partie du bosquet. Tout se met à étinceler comme dans une galerie de miroirs scintillants.</p>
<p>Toutes les plantes ont gelé. Toutes. C’est étrangement envoûtant. Captivant.<br>
Une bourrasque de vent secoue la cime des arbres.<br>
Un vent glacé qui fait s’envoler quelques feuilles qui se déposent dans le sous-bois.<br>
Des feuilles toutes aussi gelées que les plantes qui leurs servent de coussins temporaires.<br></p>
<p>Le souffle fait frissonner Anaïs malgré tous ses vêtements.<br>
Elle se cache les mains dans les poches du manteau.<br>
Ça apaise le froid mordant. Un peu.<br>
Il est peut-être temps de rentrer à la maison.<br>
Mais d’abord, au moins arriver à son petit endroit de calme et de paix.<br>
C’est comme ça qu’elle appelle l’endroit où le chemin rejoint, après une bifurcation et un petit dénivelé, le bord même de la rivière. De petites pierres plates et galets forment une plage où pourraient se tenir un maximum de deux personnes. Quand le cours d’eau n’est pas en crue, il est possible de s’y reposer. Anaïs considère cet endroit comme secret. Il est difficile à voir depuis le chemin forestier, et il est impossible de dire si une personne y est assise ou pas sans s’y aventurer soi-même. Des buissons touffus entourent la petite plage, et d’autres bloquent vaillamment la vue de l’autre côté de la rivière. Un véritable endroit caché du monde. Au bord de l’eau. Un endroit d’apaisement et de repos de toutes les stimulations extérieures.</p>
<p>Après quelques minutes, elle aperçoit le chemin caché. D’autant plus caché que la buée de son souffle forme des nuages de brouillard sur ses lunettes. Enfin, en descendant avec précaution le chemin humide et verglacé, elle arrive sur la petite plage.<br>
Le cours d’eau est gelé. La glace recouvre toute la surface et semble s’étendre comme une toile sur les bords. Les plantes qui habillent les berges forment un paysage irisé, vert et blanc, qui semble prendre vie sous les doux rayons du soleil. Les galets par contre, qu’il fasse froid ou chaud, restent toujours autant inconfortables.</p>
<p>Heureusement, le manteau rouge protège autant du gel que de la dureté du siège improvisé.<br>
Si seulement il protégeait aussi de l’attention non désirée des hommes dans la rue.<br>
Mais c’était Lily qui avait choisi ce manteau.<br>
Et quand Lily prenait le relais, elle semblait si forte et pleine d’assurance que peu de gens osaient la déranger. Et quand ils le faisaient, les réponses étaient encore plus glaciales et mordantes que l’hiver le plus rude.</p>
<p>Elles observent attentivement la rivière pendant de longues minutes. L’eau semble toujours couler sous sa couverture de gel. Du pied, Anaïs tente de tester la solidité de la glace. Sur le bord où la profondeur n’est que de quelques centimètres, la glace tient bon. Cependant, juste un peu plus loin que l’endroit où elle a posé la botte, la glace se fendille. Aussi tentant que cela puisse être, cela semble une mauvaise idée de s’aventurer sur la rivière. Mais que seule la surface soit gelée, c’est sûrement mieux pour les poissons se dit-elle. Et les canards ? Comment font-ils ? On ne voit jamais les canards quand tout est gelé. Où sont-ils ? Prise par cette réflexion et bien d’autres au sujet du confort des oiseaux en hiver, Anaïs se laisse à ses pensées vagabondes pour un temps indéterminé.</p>
<p>Le soleil commence à amorcer sa descente quand un bruit étrange, guttural, résonne. Un bruit qu’Anaïs ne peut pas ignorer. Un grondement, que l’on associerait facilement à une bête affamée. La source du bruit est rapidement localisée. Sans avoir besoin d’un regard acéré ni de calculs complexes, Anaïs sait instinctivement d’où le grognement vient. Son ventre. Elle a faim. Le petit déjeuner n’a pas suffit. Elle fouille dans son sac. Elle n’a pas souvenir avoir fait à manger à emporter. Elle ne sait plus exactement comment elle s’est préparée d’ailleurs.</p>
<p>“C’était moi”, s’exclame doucement Lily.</p>
<p>Tout s’explique.</p>
<p>“Tu as un thermos de thé normalement, dans la poche du milieu.”</p>
<p>Anaïs sort ses mains, qui pourtant étaient bien au chaud, de ses poches. Il va falloir chercher dans le sac. Si ses mains pouvaient rouspéter contre le froid hivernal, elles le feraient. La fermeture en tissu l’apaise, vu le froid qu’il fait elle n’aurait pas aimé devoir saisir du métal. Le thermos est rapidement trouvé, malgré le champ de bataille qu’est l’intérieur du sac. Heureusement que Lily a fait un peu de rangement la veille, en enlevant les papiers qui dataient de bien trop longtemps. Elle la remercie intérieurement, ce à quoi un sentiment chaleureux de gratitude lui répond.</p>
<p>Le thermos est en métal, mais recouvert d’une fine couche de peinture aux motifs floraux. Le froid ne l’a pas affecté, et il est au contraire plutôt tiède. Anaïs y réfléchit quelques secondes et se dit qu’il serait bien d’en acheter un nouveau. Un thermos tiède, c’est une mauvaise idée, surtout quand il est censé garder la chaleur à l’intérieur. Mais elle s’y est attachée. C’était un achat qu’elle avait songé utile il y a quelques années maintenant, et elle avait passé des semaines de réflexions pour choisir le thermos parfait. Elle s’était rendu au magasin le plus proche, et… avait pris celui avec des fleurs qui était en promotion, indépendamment de toutes ses réflexions. Mais au moins il lui plaisait. C’était un bon achat.</p>
<p>Elle dévisse doucement le bouchon, ses mains se réchauffant au contact de la bouteille. Quelques gouttes de thé lui tombent sur la main. Chaud, pas brûlant. Elle n’a aucune idée de quel thé Lily s’est employée à faire infuser. Anaïs passe en revue les différentes options. Il y a les infusions qui sont nombreuses, mais Lily a dit du thé. Elle sent un amusement au fond d’elle qui lui signale que sa compagne prends plaisir à suivre sa réflexion. Donc, en thé, il y a… les sachets de pêche-mangue. Les sachets de thé Earl gray. Et les sachets de thé orange-cannelle. Elle parierait bien sur le dernier. Il n’y a pas de sachet dans la bouteille, donc c’est sûrement que Lily l’a enlevé avant de partir. Il n’y a pas de thé en feuilles normalement ? Pas selon ses souvenirs.</p>
<p>Elle boit une gorgée. Cela s’approche du thé orange-cannelle. Mais il y a un petit goût en plus. Un goût surprenant qu’elle n’arrive pas à identifier. En tous cas, le chaleur qui la traverse lui fait un grand bien, surtout par le froid intense de la journée. Elle pourrait rester là, à savourer le thé en se réchauffant les mains. Toutefois, la curiosité l’emporte.</p>
<p>“C’est bien orange-cannelle ?<br>
-Oui. Enfin presque.<br>
-Presque ?<br>
-Tu n’as vraiment pas d’idée ?”</p>
<p>Anaïs fouille dans ses souvenirs. Mais rien n’y fait. Elle essaye de fouiller également dans des souvenirs qui ne sont pas les siens. Ceux de Lily. Elles peuvent communiquer par mots, par images, et tout simplement en partageant des souvenirs. Mais pour ça, les deux doivent le désirer. Fouiller dans les souvenirs l’une de l’autre sans permission, elles l’évitent. Et puis elles ne peuvent tout simplement pas si les informations sont “protégées” par la conscience de l’autre. Heureusement, elles ont l’habitude de cette cohabitation maintenant, et ont une relation saine et épanouie. Autant que possible. Anaïs sait que Lily ne lui en voudra pas si c’est pour deviner le parfum d’un thé.<br>
Sauf que rien n’y fait.<br>
Impossible de retrouver les souvenirs.<br>
Ils sont sous un voile opaque, semblable à celui que la buée de la boisson chaude dépose sur ses lunettes. Lily ne veut pas partager ça, et cela semble l’amuser beaucoup de voir Anaïs essayer de deviner au goût et sans indices visuels ce qu’elle a rajouté dans le thé. Cette dernière ne veut pas s’avouer vaincue, mais n’a aucune idée qui lui vienne. Deux sachets de thés différents ? Peu probable. Ni l’une ni l’autre n’aime ces mélanges impromptus de saveurs. Quelque chose en plus. Un ajout. Mais qu’est-ce qu’elle aurait pu ajouter dans un thé ? Du sucre ? Non. Pas là. Du sel ? Heureusement non plus. A bout d’idées, elle s’avoue vaincue.</p>
<p>“Des épices. De la cardamome pour être précise.”</p>
<p>Mais bien sûr ! Maintenant qu’elle a la réponse, cela lui parait évident. Ce sont les dernières épices qu’elle a acheté. Elle s’était dit qu’elle essayerait d’en mettre dans ses plats et boissons à l’occasion, mais le petit pot était resté bien fermé jusqu’à présent. Lily a du s’en rendre compte et vouloir faire la surprise. Surprise agréable au passage, même si… surprenante. Une surprise surprenante. Ça résume bien la situation. Mais c’était amusant de chercher à deviner. Cependant, entre la saveur qu’elle connait peu, et le fait qu’il est impossible d’avoir un indice de la part d’une boisson dans l’obscurité d’un thermos, elle n’aurait sûrement jamais trouvé.</p>
<p>“Merci, c’est une bonne idée, j’aime beaucoup.” souffle Anaïs.</p>
<p>Après cela, elle engloutit la boisson en quelques gorgées. Trop vite, sûrement. On lui a toujours dit de boire doucement. De faire les choses doucement. De ne pas se presser. Mais quand quelque chose lui plait, c’est difficile de se retenir. Surtout quand on en vient à la nourriture et aux aliments. Trop souvent elle a des difficultés à avaler quoi que ce soit. Mais quand elle a faim, elle avale des assiettes entières en quelques minutes. Manger lui procure beaucoup de plaisir. Boire des boissons chaudes aussi. Le café le matin, le thé en journée, et les infusions le soir. Elle essaye d’arrêter le café le soir en ce moment. Une tendance à se coucher à des heures impossibles à cause de ça.</p>
<p>Enfin, ça et l’ordinateur. C’est incroyable comme les réseaux sociaux sont animés la nuit. Il y a toujours quelque chose à lire et quelqu’un à qui parler. Toujours des images de chats adorables pour la faire sourire quand le sommeil ne vient pas et que les ombres essayent d’établir leur territoire. Des chats et d’autres animaux. Mais surtout des chats, les gens les aiment bien de ce qu’elle croit comprendre à présent.</p>
<p>Réchauffée, elle profite encore quelques instants de la vue, du calme offert par son petit lieu secret, puis elle décide de rebrousser chemin. La montée pour retrouver le petit sentier est encore toute gelée et l’aventurière atterrit presque sur les fesses. Heureusement, les troncs d’arbres, en dépit d’être couverts d’une fine pellicule de gel eux aussi, fournissent un bon appui. Le reste du cheminement pour sortir de la forêt se passe sans problème. Anaïs a même la joie de voir un petit écureuil passer de branches en branches. Un petit écureuil tout roux. Qui lui rappelle les écureuils malabar. De gros écureuils aux couleurs bleues, rouges, jaunes, et qui sont gros. Très gros. Très très gros. Il n’y en a pas à moins de plusieurs milliers de kilomètres. Ça fait beaucoup. Quoiqu’à une petite heure de là, elle devrait pouvoir en voir. Depuis son ordinateur. C’est pratique, internet, pour voir des photos et vidéos d’animaux.</p>
<p>Plongée dans ses pensées d’écureuils géants aux couleurs vives, elle franchit de nouveau le pont, cette fois-ci en sens inverse, et se dirige tranquillement vers son petit nid douillet. Le soleil se couche tôt en cette partie de l’année, et quelques nuages de pluie commencent à se rassembler. Ou de grêle, se dit Anaïs, la vision toujours obstruée par la buée sur ses lunettes. Mieux vaut être rentrée quand ça tombera.</p>
<p>Un vent polaire se met à souffler. Une bourrasque douce mais abominablement froide. Il n’y a plus qu’une quinzaine de minutes jusqu’à la chaleur de l’appartement, et bien heureusement. Un reflet sur les derniers mètres de la rivière attirent son attention. Un reflet ? Plus, une ombre. Encore une de ces ombres qui essaye de lui faire peur ? Si c’est ça, cela ne marchera pas. Elle s’arrête. S’approche de l’eau. De la glace. Quelque chose ne va pas. La sensation qu’il manque quelque chose. Mais quoi ? Elle est sûre qu’il manque quelque chose. Un détail. C’est une certitude. Mais elle ne sait pas quoi. En tous cas elle décide de ne pas se laisser intimider. Elle reprend son chemin.</p>
<p>Aucune ombre derrière elle. Elle n’a pas peur. Enfin, pas de ces peurs paniques qui peuvent la terrifier en pleine journée. Pas de formes étranges. Tout a l’air d’aller bien. Si ce n’est cette rivière qui lui a posé une interrogation. Il manquait quelque chose, mais quoi ? Il y avait la glace. Le bleu, très sombre, de l’eau. Peut-être était-ce ça ? Le bleu était très intense. Profond.</p>
<p>Elle arrive dans le hall de l’immeuble. Enfin en sécurité. Presque. Une grande inspiration. Les escaliers. Vite. Mais pas trop, elle se tient à la rambarde, glacée. Pas envie de tomber. Le froid reste intense même dans les parties communes. La porte de l’appartement. Elle ouvre. Se glisse rapidement chez elle. Ferme la porte, allume la lumière. En sécurité. Enfin. Pourquoi cette peur ? Encore un tour que lui joue sa santé ? Pourtant, sur tout le reste, elle se sentait bien. Il n’y avait pas les même symptômes que d’habitude. La promenade avait du l’épuiser, certes. Mais c’était la fatigue, très sûrement. Rien de plus.</p>
<p>La bouilloire allumée. Le chauffage d’appoint aussi, pour chasser le froid qui s’installe bien trop rapidement même dans le confort de la pièce principale. C’était vraiment une bonne idée que cet achat. Elle devait juste veiller à l’éteindre et le débrancher quand elle partait et quand elle dormait.<br></p>
<p>Réchauffée et rassurée, elle se pose devant son bureau.<br>
Tout va bien.<br>
Elle est chez elle.<br>
En sécurité.</p>
<p>Ses pensées la travaillent. Une impression qu’il manque quelque chose. Difficile de se détendre. Son écran s’allume. Elle ouvre une page internet. Rapidement, des images douces l’apaisent. Des chats. Encore. Toujours des chats. Elle cherche quelques autres animaux à partager. Elle tombe sur des images de rivières pleines de poissons. Des carpes ? De gros poissons en tous cas. Très colorés. Pas comme le bleu de nuit qu’elle a pu voir dans l’eau. La rivière, gelée. Bleue. Presque noire. Il y a quelque chose qui cloche. Elle regarde de nouveau l’image avec les poissons. La journée est claire sur l’image. Un soleil haut. Pas comme celui qui décline doucement vers l’horizon par sa fenêtre. On voit les reflets des arbres et plantes qui bordent la rivière. Reflets qui habillent les habitants du cours d’eau de motifs verts et les camouflent en partie.</p>
<p>C’est ça !<br>
Un effet d’optique ?<br>
Sûrement.<br>
Mais c’est étrange malgré tout.<br>
C’était ça qui manquait.</p>
<p>La surface de l’eau était bien gelée. Mais on ne voit jamais la rivière avec une couleur si sombre. Et la glace ! Elle est censée refléter le soleil, au moins ! Pourtant là. C’était ça qui manquait. Les reflets ! Il n’y avait plus aucun reflet dans l’eau, et la glace avait l’aspect d’un ciel nocturne. Comment est-ce que les reflets ont disparu ? Aucune idée. Les nuages ? Une petite illusion visuelle ? Il n’y a pas vraiment d’autres explications qui lui viennent à l’esprit. En tous cas c’était nouveau. Beau. Paisible. Mais légèrement inquiétant, sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi.</p>
<p>Le questionnement se dissipe au gré des images d’animaux mignons partagés sur les réseaux sociaux, et Anaïs et Lily voguent tranquillement à leur soirée, mangeant bien des pâtes, encore. Avec un peu de sauce tomate, de sel et de poivre. Simple mais efficace. Une infusion, puis une deuxième, une troisième, et la journée touche à sa fin, la lune haute dans le ciel. Une douche rapide. Le traitement. Et voilà. Journée finie. Anaïs se met au lit. Et s’endort, rapidement, d’un sommeil lourd.</p>
]]><![CDATA[Fimbulvetr, pt 1]]>https://blog.witch.academy/~/Fimbulvetr/fimbulvetr-pt1/2020-12-03T22:34:40.759061+00:00Morganehttps://blog.witch.academy/@/morgane/2020-12-03T22:34:40.759061+00:00<![CDATA[<p>Première partie : La rivière</p>
<p>Un coucher de soleil aux chaudes couleurs étalait ses derniers rayons sur la ville. Bientôt la nuit tomberait et avec elle la fin du solstice d’hiver. L’air était frais, encore chargé de quelque chaleur de la journée. Anaïs rentrait d’un rendez-vous. Elle marchait lentement en s’éloignant petit à petit du centre-ville pour regagner son appartement en bordure. Écharpe chaude aux couleurs de l’automne autour du cou, un châle sombre sur les épaules qui cachait en grande partie une robe légère aux fleurs blanches. La clameur de la ville se faisait calme et de plus en plus silencieuse, et on commençait à entendre le clapotis de la rivière en contrebas.</p>
<p>“Bon, ça ne s’est pas bien passé, du tout. Mais ça arrive. On ne perd pas espoir.”<br></p>
<p>Anaïs essayait tant bien que mal de mettre du clair dans ses pensées. La journée avait été chargée, elle avait enchainé les mésaventures, et l’air froid qui commençait à lui monter aux joues n’arrangeait pas son humeur. Pour autant, elle essayait de se reprendre et de conserver un calme exemplaire.</p>
<p>“Ce n’est pas le moment. Je n’ai pas envie de parler maintenant.<br>
-Comme tu le souhaites. Saches que je suis là pour prendre le relais si tu veux te reposer.<br>
-Merci.”<br></p>
<p>Lily était toujours là.<br>
Elle aimait l’aider de tout son possible, et la protégeait toujours quand le besoin s’en faisait sentir. Elles avaient une relation compliquée, mais qui ne reposait que sur l’acceptation et la compréhension mutuelle. C’était un roc, solide, auquel Anaïs pouvait toujours se raccrocher, ou presque. Pour autant, leurs discussions pouvaient être éprouvantes, et ce n’était pas le moment. Pour l’instant, l’important était de se détendre autant que possible, d’accepter les évènements de la journée, et ensuite de réfléchir à comment gérer au mieux les temps à venir.<br></p>
<p>Il allait falloir s’armer de courage.<br>
Mais chaque chose en son temps.<br>
Pour l’instant, essayer de se détendre, et pour ça, rien de mieux que marcher près de la rivière. Elle commençait à l’apercevoir au bas de la rue, et appréciait la vue des derniers rayons du soleil qui se reflétaient à la surface. Comme si l’eau prenait feu et éclaboussait ses alentours de teintes orangées, qui vacillaient aux côtés des ombres telles que l’auraient fait une bougie.</p>
<p>Anaïs s’approchait de la rivière, un petit pont de pierre sur sa droite. Elle prit le temps de l’observer. Elle avait l’habitude de s’y attarder, elle prenait toujours le même chemin en revenant de ses rendez-vous, et s’ils n’étaient pas toujours aussi durs que ceux de la journée, elle ressentait régulièrement le besoin de se vider l’esprit et de laisser son imagination vagabonder sur des images apaisantes. Le pont était vieux. Très vieux ? Elle n’en savait rien. Plus vieux qu’elle, que ses parents, que les parents de ses parents, et ainsi de suite. Jusqu’où, elle n’en savait rien. Mais suffisamment loin pour qu’elle puisse dire avec certitude que ce pont était vieux. Les roches qui le constituaient étaient parsemées de lézardes, et des algues avaient pris place à ses pieds. La rivière était peu large, et il y avait peu de courant. Pour autant, lors des crues, l’eau pouvait monter à des hauteurs incroyables, et parfois même submerger le pont et ses alentours. Cela n’était arrivé qu’une fois, il y a une trentaine d’années, et les photos de l’époque l’avaient surprise. Se dire que le petit cours d’eau d’environ un mètre de profondeur pouvait se muer en torrent qui l’aurait si facilement balayée, c’était difficile à imaginer.<br></p>
<p>Mais pourtant cela ne l’étonnait qu’à moitié.</p>
<p>Que ce soit la rivière ou elle-même, il y avait bien plus sous la surface qu’il n’était possible de l’imaginer au premier regard. Elle savait que les apparences n’étaient que temporaires et parfois trompeuses. Masquer qui elle était vraiment, aux yeux de la société et de tous ses membres, c’était devenu une habitude qui s’étalait maintenant sur de longues années. Mais c’était ce qui la maintenait en relative sécurité. Elle ne pouvait prendre le risque d’être elle-même. Il y avait trop à perdre. Elle maintiendrait l’illusion coûte que coûte.</p>
<p>Les lampadaires commençaient à allumer leurs lumières, bordant la route à la manière d’une guirlande de Noël. La teinte orangée du ciel avait laissé place à un bleu turquoise à l’horizon, tandis qu’au-dessus de la ville, une chape obscure et légèrement nuageuse avait pris sa place pour les heures de nuit à venir. Un ciel parsemé des rares étoiles qui n’étaient pas cachées par la pollution lumineuse.<br>
Anaïs avait oublié le temps qui passait, occupée à dévorer du regard le pont, la rivière, et les buissons qui la longeaient. Elle commençait à avoir vraiment froid, et cela la chassa de sa torpeur observatrice. Il était temps de rentrer, elle détestait devoir marcher dans le quartier la nuit. Quand il n’y avait personne, la nuit était son refuge et elle s’y sentait plus à l’aise qu’à n’importe quel moment de la journée. Mais s’il n’y avait ne serait-ce qu’une seule personne, ses peurs s’emparaient d’elle. Trop de mauvais souvenirs. Il était temps d’allonger le pas et de filer se mettre au chaud. Une tisane en arrivant ne lui ferait pas de mal. Verveine sûrement. Une tisane verveine. Voilà ce sur quoi elle décida de fixer ses pensées, pour chasser l’image du froid qui l’engourdissait.<br>
Elle longeait la rivière pendant la majeure partie du trajet, et ne l’abandonnait que pour les dernières centaines de mètres. Actuellement elle était à mi-chemin, mais elle commençait à être engourdie. L’inconfort du froid se faisait ressentir de plus en plus vivement. Elle chassait de son esprit toute autre pensée que la tisane, qui serait sa récompense.</p>
<p>“Tu es sûre que tu ne veux pas me laisser prendre le relais ?<br>
-Je… je ne suis pas sûre non. Mais ça va. Je peux tenir. Ce n’est pas encore si terrible.<br>
-Je te sens fatiguée Anaïs. Tu ne peux pas me cacher ça. Et quand tu es épuisée, c’est à moi que tu peux laisser la place. Je t’amènerais à la maison, en sécurité, sans faute.<br>
Tu le sais.<br>
-Pas encore Lily. Pas encore. Je peux encore marcher. Tout va bien.<br>
-Si tu le dis. N’oublies pas mon offre.”</p>
<p>Bien entendu qu’elle n’oublierait pas. C’était difficile d’oublier sa présence. Et c’était pour le mieux. Elle serait complètement au dépourvu sans cette présence rassurante à ses côtés. Sans son étreinte chaleureuse. Sans l’assurance dont Lily savait toujours faire preuve, même dans les moments les plus désespérés. Mais pour le moment tout allait bien. Enfin presque. La journée l’avait plus épuisée qu’elle ne le pensait, et au fur et à mesure qu’elle avançait sur le bord de la route, les ombres lui donnaient l’impression de bouger. Rien d’inhabituel, mais un signe de fatigue néanmoins. Encore une dizaine de minutes et elle serait au chaud. Avec une tisane. Verveine. Ou peut-être pomme-cannelle au final ?</p>
<p>Personne en vue, tandis qu’elle amorçait les derniers virages pour arriver chez elle. C’était mieux ainsi. Elle ressentait des présences, mais rien de significatif. Elle enfonçait son menton dans son écharpe, et serrait son châle contre sa poitrine. Presque arrivée. Ça commençait à faire long. Ses doigts étaient engourdis, ses pieds lui faisaient mal, et son souffle formait de la buée dans l’air. Buée qui avait très rapidement fait de s’attarder sur ses lunettes, et lui obscurcissait une partie non négligeable de son champ de vision. Le froid s’accentuait très rapidement, remarquait-t-elle. Il allait sûrement geler cette nuit. Elle serait contente d’être dans son lit, bien au chaud, pendant que le froid hivernal fera son œuvre.</p>
<p>La lumière des appartements lui apparaissait enfin. Dernière ligne droite. Bientôt au chaud. Bientôt en sécurité. Elle avait bien lutté contre la peur, mais les présences commençaient à se faire gênantes. Pas assez pour que la panique ne la submerge, mais suffisamment pour lui faire presser le pas, le cœur battant fort dans sa poitrine. Elle sentait Lily, rassurante, à ses côtés. Tout allait bien se passer.</p>
<p>Elle arriva devant la porte. Un petit immeuble en bordure de ville. Assez discret comparé aux géants qui l’entourait, mais haut malgré tout. Trop pour Anaïs. Le vertige la saisissait à l’idée. Elle détestait les hauteurs, et ne se sentait en sécurité que dans un espace où des murs solides l’empêchaient de tomber. Elle aurait préféré habiter dans une petite maison. Avec un seul étage. Et avec plus de place. Son appartement était petit. Moins petit que ce dont les personnes devaient se satisfaire en centre-ville. Mais petit quand même. Malgré tout, elle aimait le confort relatif d’un espace restreint où étaler toutes ses affaires. De toute manière, ce n’est pas comme si elle avait le choix. Ses ressources étaient toutes justes suffisantes pour cet appartement.</p>
<p>Elle cherchait les clés dans sa poche. Le contact du métal froid la fit frémir. Elle jeta un dernier coup d’œil derrière elle, adressa un regard amer aux ombres qui la suivaient, et s’engouffra dans le hall d’entrée. La lumière s’allumait, ce qui lui permit de se reprendre. Elle grimpa les escaliers, quatre étages, mais l’ascenseur était en panne. Au moins elle n’habitait pas tout en haut. Et elle n’avait pas besoin de faire de grosses courses jusqu’au passage prévu du réparateur. C’était déjà ça.<br>
Arrivée devant sa porte, elle s’essuie les pieds sur le paillasson. Enfin. Enfin presque arrivée. Clés dans la serrure, elle s’écroule presque contre la porte, qui s’ouvre sous son poids. Elle se faufile à l’intérieur, allume la lumière, et referme à double-tour derrière elle. Chez elle. Enfin.</p>
<p>L’appartement était petit. Une vingtaine de mètres carrés. Mais c’était suffisant pour la jeune adulte qu’elle était. Elle avait commencé à accumuler un peu de bazar, mais pas suffisamment pour l’empêcher de circuler. C’était un de ces appartement prisé pour son confort relatif et son prix abordable. Il fallait marcher un peu pour se rendre en centre-ville, et c’était mal desservi par les bus. Mais ce n’est pas comme si elle avait le choix. Elle avait deux pièces, un salon qui lui servait aussi de chambre et de cuisine. Et une salle de bain, petite, mais confortable. Tout était en bon état, mais l’humidité se faisait sentir, surtout en automne et en hiver. Pour palier au froid, le seul radiateur présent n’était pas suffisant. Anaïs avait acheté un chauffage d’appoint, qui soufflait de l’air chaud, peu de temps après son emménagement. Elle détestait le froid.<br></p>
<p>Elle se déchausse, jette son châle dans le placard de l’entrée, son écharpe par-dessus, et file se laver les mains. Toujours, en rentrant chez elle. Ensuite, elle remplit la bouilloire, la met à chauffer, et se dirige vers la salle de bain en commençant à se déshabiller. Une douche chaude avant tout. Le froid du dehors était vraiment glacial. Encore engourdie, elle ne prends pas le temps de se regarder dans le miroir. Dans la douche. Nue. Elle allume l’eau, et regrette instantanément sa décision.<br>
Allumer l’eau directement au-dessus d’elle-même. Sans lui laisser le temps de chauffer. Froide. Très froide. Trop froide. Elle peste, dirige le jet d’eau vers le mur, lui laisse le temps de chauffer, et remet le pommeau à sa place. Enfin, l’eau chaude lui ruisselle dessus. Finalement soulagée. Elle s’assoit. Posée. A la maison. Chez elle. En sécurité. Au repos. Tranquille. Sans les gens du dehors. Sans les ombres. Sans ce rat condescendant qui lui sert de médecin.</p>
<p>“C’est mignon les rats pourtant, résonne une voix.<br>
-Oui, Lily, tu as raison. Désolée.<br>
-Pas besoin.<br>
-Il m’a fatiguée, avec son discours condescendant.<br>
-J’imagine. Tu le revois quand ?<br>
-D’ici quatre semaines…”</p>
<p>Petite pause.<br>
Elle prend le temps de sentir l’eau la réchauffer et couler sur sa peau.<br>
Presque brûlante.<br>
C’est parfait.<br>
Presque parfait.<br>
Elle augmente la température de l’eau.<br>
Voilà, maintenant c’est parfait.</p>
<p>“Tu es sûre que tu ne veux pas changer de médecin ?<br>
-Trop de délais chez les autres. Et puis c’est prendre le risque de tomber sur pire.<br>
-Pas faux. Mais celui-ci ne fera pas l’affaire éternellement.<br>
-Au moins il me donne ce dont j’ai besoin.”</p>
<p>Après tout ce n’est pas si pire. Le docteur n’est peut-être pas incroyable, mais au moins il a des délais courts. Et puis elle a son suivi là-bas depuis un moment maintenant. Il est peut-être sexiste, condescendant, insultants par moments, pas aux faits du tout des problèmes de société. Il fait peut-être aussi des commentaires déplacés. Mais bon. Au moins ses rendez-vous avec elle sont généralement assez espacés. Et rapides. Le moins elle l'entend parler, le mieux elle se porte.</p>
<p>L’eau chaude commence à s’accumuler dans le fond de la douche. La buée chargée de chaleur remplit l’habitacle. Tout va bien. Tout va bien aller. C’est une promesse qu’elle se fait. Elle se sent ensommeillée. La chaleur et l’eau la bercent. Elle se sent faiblir.</p>
<p>“Tu veux que je prenne le relais ?<br>
-…<br>
-Anaïs ?<br>
-... Je veux bien. Merci.<br>
-Avec plaisir, toujours”.</p>
<p>Lily est forte. Très forte. Plus que tout. En tout cas c’est comme ça qu’elle se définit. Il n’existe qu’une seule chose au monde qui lui fasse peur, et ce n’est pas près d’arriver. Elle se redresse dans la douche, éteint l’eau, se savonne, rallume l’eau, et baisse un peu la température. Si elle sort après avoir fini sur de l’eau trop chaude, elle aura du mal à mener à bien la soirée. Après s’être rincée, elle peste un peu d’avoir oublié la serviette au salon. Elle va la chercher, revient dans la salle de bain, et fait la note mentale d’essuyer ses traces de pas trempés dans tout l’appartement. A côté de ça, elle fait la liste de ce qu’elle a à faire au cours de la soirée.</p>
<p>L’eau chaude est prête pour l’infusion.<br>
Reste à mettre un sachet à infuser.<br>
Manger ce soir ? A voir. Peut-être faire des pâtes.<br>
Vider le sac des papiers plus ou moins importants qu’il contient.<br>
Prendre les traitements.<br>
Plier le linge qui doit maintenant être sec.<br>
C’est déjà bien.</p>
<p>Et c’est ce qu’elle fait. Dans cet ordre-là. Les listes mentales permettent à Lily de s’organiser sur le court terme, sans ça elle n’arrive pas à fonctionner. C’est aussi le cas d’Anaïs. Mais pour Lily, elles ont une importance un peu plus grande, étant donné que presque à chaque fois qu’elle est présente, elle en a besoin. Il y a toujours quelque chose à faire. Quand il n’y a plus rien à faire, elle laisse la place à Anaïs. Ou parfois elle en profite un peu pour se détendre. Sentir son corps au repos. Ses muscles se détendre. C’est un plaisir incomparable. Ressentir son propre corps. En entier, jusqu’aux détails. Mais plus généralement, elle laisse quand même la place. Cela lui est très étrange d’avoir du temps où il n’y a rien à faire. Où on est censé faire ce que l’on désire. Mais ce qu’elle désire elle-même ? Elle n’en a aucune idée. Elle aimerait savoir. Mais pour de multiples raisons, c’est compliqué. Alors elle préfère laisser la place.</p>
<p>La soirée touche à son terme. Il doit bien être au-delà de minuit. Les nuages s’écartent de temps à autres pour laisser la pâleur de la lune illuminer le ciel nocturne. A l’intérieur, Anaïs a coupé le chauffage d’appoint. Il fait suffisamment chaud. Une couverture chaude sur les genoux, elle est sur son bureau, devant l’ordinateur. La lumière aux reflets bleu de l’écran est agressive pour des yeux fatigués. Heureusement, une petite lampe à côté du lit, de l’autre côté de la pièce, jette une lumière plus chaude dans l’appartement. De temps à autre, Anaïs jette des regards aux murs. Les quelques affiches et dessins qui les décorent lui permettent de se sentir chez elle. Ça et, maintenant, sa troisième infusion de la soirée. Au final celle-ci est à la pomme et à la cannelle. Elle a finit les deux dernières verveines juste avant. Il faudra en racheter prochainement. Les infusions chaudes, surtout en hiver, c’est salvateur quand on a horreur du froid.</p>
<p>Elle est chez elle. Elle regarde l’heure dans le coin de l’écran. Tard. Mais elle a encore quelques mails à répondre. Le plus gros des démarches attendra. Pour l’instant elle essaye de se concentrer sur le plus urgent. Rien qui ne puisse pas attendre le lendemain, mais pour une fois qu’elle a la motivation, elle en profite. Le problème c’est que maintenant qu’elle n’a plus à gérer la panique et le froid, elle doit faire avec un esprit tout embrumé. Les traitements sûrement. Ça la fatigue toujours plus ou moins. Parfois elle a l’impression que ça lui fait le même effet que l’alcool. Malgré qu’elle ne boive plus d’alcool, depuis deux ans maintenant. En tout cas, difficile de se concentrer. Les caractères noirs sur fond blanc la fatiguent encore plus. Encore une réponse à écrire…</p>
<p>Les rayons du soleil commencent à réchauffer la pièce.<br>
Quelques oiseaux piaillent au-dehors de la fenêtre.<br>
Anaïs ouvre péniblement les yeux.<br>
Le matin ?<br>
Elle s’est endormie.<br>
Mais quand exactement ?<br>
Pas vraiment de souvenirs.<br>
Elle pose la main à côté d’elle.<br>
Le sol.<br>
Elle se réveille.</p>
<p>Elle s’est vraiment endormie par terre, enroulée dans la grosse couverture qu’elle a tiré à elle. Ou alors elle serait tombée du lit ? Un examen rapide lui indique que c’est sûrement un peu des deux. Elle a du s’endormir en atteignant le lit, s’écrouler au sol, tirer la couverture à elle, et s’endormir par terre. Au chaud. Ça lui ressemblerait bien. Et ce ne serait pas la première fois. Au moins elle a pu s’allonger. C’est toujours mieux que de s’endormir sur le bureau. A chaque fois qu’elle s’y endort, elle a des courbatures dans tout le corps au réveil. Et tout comme avec le froid, elle a du mal avec les petites douleurs, courbatures y compris. Cela lui occupe l’esprit en permanence.<br></p>
<p>Bon, maintenant. Debout. Petit déjeuner. Lily dort toujours. Et ensuite ? On verra.<br>
...Quelque chose a changé.<br></p>
<p>Elle ouvre la bouche. Un peu de buée s’en échappe.<br>
Il fait un froid glacial en-dehors des couvertures.<br>
Il y a sûrement eu du gel dehors, cette nuit.<br>
En s’emmitouflant autant que possible dans la grosse couverture, Anaïs se dirige vers la fenêtre. Le soleil est un peu haut. Pas encore au zénith. Mais pas loin non plus. Cependant ce n’est pas ça qui attire son attention. Dehors, tout est gelé. Les plantes sont toutes couvertes d’une fine pellicule blanche. Les voitures de même. On aperçoit des plaques de verglas que le soleil n’a pas encore fait fondre, et qui reflètent la lumière à la manière de grandes patinoires. Patinoires dont il faudrait se méfier, pour éviter de se faire très mal. Quelques oiseaux semblent très agités. Il fait un froid glacial. Cela a du les surprendre eux aussi.<br></p>
<p>Elle allume le chauffage d’appoint. Fait chauffer de l’eau. Café. Le café du matin. Celui qui permet de sortir de la torpeur et de commencer la journée. Le petit déjeuner est rapidement avalé. Le second café maintenant. Celui qui permet de se dire qu’un troisième ne sera pas de trop. Le goût amer du café est loin d’être doux au réveil, mais à force d’en boire autant, on s’y fait. Et la caféine fait aussi sûrement jouer un petit effet addictif. Beaucoup de souvenirs associés au café. Bons pour la majorité. C’était la boisson lors des réunions. Pas des réunions de travail. Mais associatives. Le travail ? Pour le moment elle a arrêté de chercher l’emploi. Pas vraiment par choix. Plus par obligation. Heureusement cela lui permet de se remettre et d’avancer. Même si elle devra y penser de nouveau un jour. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui il fait froid, et une question trotte dans la tête d’Anaïs.</p>
<p>Est-ce que la rivière a gelé ?</p>
<p>Cela n’arrive presque jamais, mais alors que la pièce commence à se réchauffer un peu, grâce à l’action du chauffage, elle se souvient avoir vu son propre souffle faire de la buée. A l’intérieur de son appartement. Cela n’était jamais arrivé de son expérience. Et c’est très perturbant. Mais si la rivière a en effet gelé, elle veut le voir. L’eau étant assez basse, c’est vraiment une possibilité envisageable. Elle a eu l’occasion de voir la rivière gelée une fois par le passé. Quand elle était beaucoup plus jeune et de passage dans la ville. C’est un beau souvenir qui lui réchauffe le cœur. L’époque où tout était moins compliqué. Enfin presque tout.<br></p>
<p>Un problème cependant.<br>
Pour aller voir la rivière, il faut sortir dehors.<br>
C’est un problème en soit. Elle ne se sent pas d’affronter le monde.<br></p>
<p>“Je t’y emmène”, s’exprime une voix calme et pleine d’assurance.<br>
“Vraiment ? Tu veux bien ?<br>
-Oui, je m’en occupe. Ça te tient à cœur. Donc ça me tient à cœur.<br>
-...Merci.”</p>
<p>Anaïs reprend un peu ses esprits. Pas qu’elle ait été loin. Mais c’est toujours le brouillard quand Lily prend complètement le relais. Un brouillard opaque, où elle n’a pas conscience des détails. Mais elle peut toujours demander à Lily si besoin est. Et si Lily accepte de partager. En l’occurrence cependant, ce n’est pas très important.<br>
La rivière s’étend sous ses yeux.<br>
Une fine couche de glace recouvre la surface, et reflète la lumière du soleil comme un gigantesque miroir qui s’étirerait en long, couvert d’aspérités. De petites vaguelettes gelées donnent un relief léger et étonnant. Il a donc du faire froid, beaucoup, mais aussi y avoir un peu de vent. Un peu ou beaucoup. Mais pas assez pour la réveiller.<br>
La rivière gelée lui remémore de nombreux souvenirs. Des souvenirs chaleureux, très appréciés en une journée si froide, la submergent. Elle aimerait bien pouvoir remonter le temps. Au moins un peu ? Quoiqu’en y réfléchissant…<br>
“Tu me manquerais”, murmure Anaïs à l’égard de Lily.<br>
Elle sent l’acquiescement au fond d’elle.<br>
“Je me manquerai, aussi”, se dit-elle a elle-même.<br>
Oui, les temps passés étaient peut-être plus simple, mais elle n’y était que l’ombre de la femme qu’elle est à présent. Et il est hors de question de renoncer à ça, de renoncer à tout le chemin qu’elle a fait. Elle irait de l’avant, quoi qu’il arrive. Le passé a de beaux aspects, mais est très loin d’être parfait. Toujours est-il, les souvenirs qui la remplissent lui font esquisser un sourire. Se remémorer le passé lui fait du bien. C’est déjà suffisant.</p>
<p>Elle commence à marcher le long de la rivière. Elle a vraiment gelé tout du long. C’est impressionnant. Et même malgré le soleil haut dans le ciel actuellement, le froid est intense. Elle est heureusement bien habillée. Dans une tenue qui lui est un peu étrangère cependant. C’est Lily qui l’a habillée. Elle a un style… différent. C’est le moins qu’on puisse dire. T-shirt et pull noir. Pantalon noir. Anaïs ne met jamais de pantalon elle-même. Par contre, des collants épais en-dessous. Vu la température glaciale, c’est sûrement une obligation. Toujours la même écharpe que la veille, mais avec cette fois-ci un manteau long et serré à la taille, à la place du châle. Un manteau non pas noir mais rouge. Un choix de Lily. Mais un choix qu’Anaïs approuve elle-même. Ça la change. La seule chose avec laquelle elle a vraiment du mal, c’est le pantalon. Elle n’en porte jamais elle-même, préférant de loin les robes et les jupes. Elle trouve que la tenue actuelle lui donne un aspect un peu trop officiel. Presque agressif, guerrier. Mais au moins elle a chaud. Elle remercie Lily intérieurement, ce à quoi un sentiment d’affection lui répond. C’est un des avantages à partager le même corps. La praticité à pouvoir se répondre honnêtement par des sentiments qui n’ont pas besoin de mots. Comme partager un regard complice avec quelqu’un que l’on connaîtrait depuis toujours. Sans avoir besoin de détourner les yeux de la rivière.</p>
<p>Elle arrive au petit pont de pierre. Elle pourrait faire marche arrière et retourner chez elle. La bordure de la ville commence un peu à s’animer en ce début d’après-midi. Mais… quelque chose la pousse à continuer plus loin. L’esprit de l’aventure ? Pour elle c’est déjà une aventure que de se promener dehors pour un trajet qui n’a rien d’obligatoire. La rivière a gelé, c’est assez rare comme ça pour justifier de marcher un peu plus. Elle traverse le pont sans s’attarder, et se dirige vers le petit bois qui longe la rivière plus au loin. Il y a un petit sentier dans lequel elle peut s’engouffrer. Si il n’y a personne, bien entendu. Rien de plus qu’une personne qui lui adresse la parole dans un lieu isolé pour la faire paniquer. Et puis elle en a marre des interactions sociales. Entre les rendez-vous, les personnes qui essayent de la draguer dans la rue, les remarques déplacées… de la tranquillité ne lui fera pas de mal. Heureusement, le trajet se passe sans encombre. Personne sur le sentier. Seul le froid pour lui tenir compagnie. Et Lily. Toujours ensemble.<br>
Elles forment une belle équipe, se disent-t-elle en chœur.</p>
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